AU-DELÀ DES EXCUSES À LA VA-VITE, ET DE L'ATTÉNUATION DE LA CULPABILITÉ
BRADLEY JERSAK
Trans. Andre Lefebvre
Dire que "je suis désolé" peut être une bonne chose, et même être nécessaire.
Mais comme le dit mon ami Paul Young, qui a lui-même survécu à des abus en série dans l'enfance, "Dire qu'on est désolé peut parfois dériver et emprunter des voies nuisibles".
Je trouve utile l'approche de l'amende honorable (réparation) adoptée par les programmes anonymes (12 étapes), et j'ai remarqué qu'ils font une distinction entre présenter des excuses, et faire amende honorable :
"Considérez les amendes honorables comme des actions qui démontrent votre nouveau mode de vie [...] alors que les excuses ne sont essentiellement que des paroles. Lorsque vous faites amende honorable, vous reconnaissez et alignez vos valeurs avec vos actions en admettant vos erreurs et en vivant selon vos principes."
L'approche par amende honorable, adoptée par les communautés de rétablissement, permet d'éviter certains pièges courants dans lesquels j'ai moi-même trébuché. Parmi ces pièges, j'ai fait l'expérience des erreurs dommageables suivantes lorsque j'ai présenté des excuses :
- Lorsque j'ai utilisé le mot "désolé" comme un moyen de manipuler les sentiments des gens à mon égard.
- Lorsque j'ai utilisé le mot "désolé" comme une expression d'apitoiement sur soi.
- Lorsque j'ai utilisé le mot "désolé" pour contrôler la conversation et l'issue de tensions ou de conflits.
- Quand j'ai utilisé "désolé" pour essayer d'obtenir un "désolé" en retour de l'autre.
- Quand j'ai utilisé le mot "désolé" pour essayer d'obtenir le pardon de ceux qui sont en colère contre moi.
- Quand j'ai utilisé le mot "désolé" pour éviter l'examen de conscience, le repentir ou le changement réel.
- Quand j'ai utilisé le mot "désolé" comme un mécanisme de défense ou un bouclier de déni.
Je pourrais continuer. Ce ne sont que sept des erreurs que j'ai commises. Ce sont des erreurs sociales que les colons du Canada et des États-Unis continuent de commettre avec les nations indigènes et ceux réduits en esclavage par les colons, surtout dans nos célébrations nationales du 1er et du 4 juillet, lorsque notre gratitude fait abstraction du coût payé par ceux pour qui notre arrivée est devenue si tragique.
Je dois/nous devons apprendre à relier le mot "désolé" avec le mot "affliction" ... ainsi, je reconnais que j'ai/nous sommes responsables d'avoir causé une profonde détresse, et je deviens/nous devenons disposés à supporter et à ressentir du chagrin pour nos actions, et nous voulons sincèrement réparer les choses.
Que pourraient provoquer mes amendes honorables quand les torts que j'ai/nous avons causés ne peuvent pas être facilement réparés, et risquent même de ne pas être pardonnés par ceux que j'ai offensés? Au lieu d'élaborer un déni, une attitude défensive et des fausses excuses, je peux/nous pouvons commencer par assumer ma/notre propre responsabilité et apprendre à vivre mes/nos amendes honorables.
À quoi pourrait ressembler le fait de vivre nos amendes honorables dans le cas des révélations de 2021 sur les tombes non identifiées des enfants autochtones, qui ont souffert des horreurs dans des pensionnats administrés par l'État et le clergé? Voici une clé pour vivre nos amendes honorables: nous ne décidons pas tout simplement des sacrifices qui ont un sens pour nous. Nous devons demander à ceux qui ont subi ces préjudices de décider cela et de nous en informer.
Une *véritable* réconciliation ne peut pas consister "d'excuses platoniques", sinon cela devient une autre offense que les colons imposent AUX peuples des Premières nations pour masquer leur propre culpabilité et manipuler les résultats. Une réconciliation ne peut certainement pas éviter de faire face à la vérité (et à la colère et au chagrin) du traumatisme générationnel des survivants. Et il ne faudrait surtout pas que ce soit un autre processus que nous "colonisons" juste pour rétablir le statu quo.
Nous pourrions au moins faire une prise de conscience: le Centre national pour la vérité et la réconciliation a été créé au Canada. Extrait de leur site:
Le CNVR sensibilise les Canadiennes et les Canadiens sur les profondes injustices infligées aux Premières Nations, aux Inuits et à la Nation métisse lors du retrait forcé des enfants de leur famille pour les placer dans les pensionnats indiens, ainsi que sur les mauvais traitements généralisés subis dans ces pensionnats.
Nous préservons la mémoire de ces violations des droits de la personne et encourageons la poursuite de la recherche et des apprentissages sur les séquelles des pensionnats indiens. Notre but consiste à honorer les survivantes et les survivants et à favoriser la réconciliation et la guérison en nous appuyant sur la divulgation de la vérité.
Le Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR) est chapeauté par un Cercle de gouvernance. Le Cercle est formé de survivantes, de survivants et de représentantes et représentants de l’Université du Manitoba et d’autres partenaires. La majorité des membres du Cercle de gouvernance font partie des Premières Nations ou sont Inuits ou Métis.
Le Cercle de gouvernance est guidé par un Cercle des survivants, ainsi que par des aînés et des gardiens du savoir.
La mise en place de ces structures a été essentielle pour veiller à ce que les survivantes, les survivants et les partenaires se trouvent toujours au cœur même du CNVR et pour que le CNVR honore et fasse respecter le droit et les protocoles autochtones.
~ Eugene Arcand, No 781, survivant des pensionnats et membre du Cercle des survivants, Nation crie de Muskeg Lake.
En tant qu'immigrant canadien de troisième génération, je crois qu'il est à tout le moins de ma responsabilité d'explorer les 94 appels à l'action lancés et gérés par le CNVR... et au lieu d'un moment de silence une fois par an, je peux parcourir ces appels à l'action et m'informer ensuite de nos progrès auprès de mon député provincial et de mon député fédéral. Je peux également investir du temps à visiter ces liens dans le cadre de ma contribution à faire amende honorable, cherchant à comprendre, et apprenant à mieux écouter.
- Rapports et conclusions de la CVR
- En savoir plus sur le NCTR
- Explorez nos collections sur la page d'accueil du NCTR
- Explorez nos expositions
- Trouvez des ressources pour les étudiants et les éducateurs
"Désolé" ne dit pas vraiment grand-chose. Mais je le suis, désolé. Aujourd'hui, je suis présent à la tristesse des autres.
Je reconnais avec gratitude que je vis sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple Stó:lō.
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